Vous le savez, le tango se joue des frontières depuis longtemps. Il déborde des salles où il se danse, pour embellir la rue. Il séduit et entraîne ceux qui lui prêtent un pied pour s’initier.
Il en est de même pour Buenos Aires en Perche. Loin de se cantonner aux quelques jours intenses du festival, le tango de Buenos Aires en Perche s’est installé à l’année dans notre région.
Avec la complicité de Gabrielle Allemand, dès sa première édition, le festival s’est poursuivi par des cours mensuels. Nous avons rassemblé et constitué un groupe d’élèves locaux, assidus et enthousiastes.
Car c’est l’esprit de Buenos Aires en Perche, donner envie de pratiquer et donner les moyens de le faire, régulièrement (sans régularité, il est difficile de progresser en tango). Je suis fière et heureuse de proposer dans ce Perche, cher à mon cœur, l’apprentissage d’une danse qui me passionne. Pour ces élèves, le festival est une belle opportunité de danser dans le cadre d’une Milonga authentique et chaleureuse.
Gabrielle Allemand est une professeur formidable, qui sait accompagner les premiers pas, les abrazo naissants. Elle est une fidèle du festival, présente à chaque édition, avec toujours de nouvelles propositions de cours.
Elle s’est prêtée au jeu des questions-réponses, autant pour ceux qui ne la connaissent pas, que pour ceux qui la connaissent.
Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre avec le tango et ce qui vous a attirée dans cette danse ?
Ma première rencontre avec le tango a été musicale : mon père (qui était contrebassiste) m’avait emmenée écouter un concert, vers la fin des années 80, je ne sais plus exactement, et nous ne nous souvenons même plus qui jouait. Peu de temps après, ma meilleure amie de lycée a découvert les mythiques Trottoirs de Buenos Aires, également par l’intermédiaire de son père accordéoniste. Elle m’a proposé de prendre des cours de tango, et nous nous sommes inscrites au Centre de Danse du Marais. Ça devait être en 1990. Je ne pourrais pas dire ce qui m’a attirée le plus, c’est un ensemble, et je me suis sentie à ma place dans cette danse.
Comment votre formation auprès de différents maestros a-t-elle influencé votre approche du tango ?
L’apprentissage auprès de nombreux couples de différents horizons m’a permis de mieux comprendre ce qui me convient ou non dans la danse, mais aussi dans la transmission, sans m’enfermer dans un style unique (j’espère !).
Votre enseignement est souvent décrit comme centré sur la sensibilité et la bienveillance. Comment ces valeurs se traduisent-elles concrètement dans vos cours ?
Je m’efforce de ne pas émettre de jugement sur les personnes et de replacer une attention plus neutre sur la danse, notamment en utilisant un vocabulaire non violent et en amenant les personnes à découvrir et développer leur propre sensibilité.
Vous dansez et enseignez les deux rôles du tango. Comment cette polyvalence enrichit-elle votre pédagogie ?
Pour moi, danser et enseigner les deux rôles, c’est se mettre à la place de l’autre pour mieux le.a comprendre. Le genre n’a plus d’importance ! Ce qui compte, c’est l’attention qu’on consacre à l’autre, l’intention qu’on y met. Je peux ainsi, me semble-t-il, mieux saisir ce dont les personnes de chaque rôle ont besoin pour pouvoir mieux danser ensemble.
En tant que professeur de tango à Rémalard, comment percevez-vous l’évolution de vos élèves au fil des années ?
C’est une véritable relation qui s’est construite. J’ai un plaisir immense à les voir s’améliorer, éprouver de la joie, observer comment leur concentration porte ses fruits. J’ai l’impression qu’ielles sentent tou.te.s ce que le tango peut leur apporter de positif dans la vie.
Quels sont les défis et les satisfactions liés à l’enseignement du tango dans une région comme le Perche ?
Le principal défi est la fidélisation des élèves le samedi après-midi, où il y a tant de choses à faire ! Mais la formule du stage mensuel à deux profs nous a permis de faire de ce moment un rendez-vous à ne pas manquer. Pour moi, la principale satisfaction est justement de voir que les élèves s’accrochent et s’organisent pour venir malgré leurs autres obligations. Cela renforce mon lien fort avec le Perche, où je viens régulièrement depuis mon enfance.
Vous êtes présente depuis la première édition du festival. Comment avez-vous vu cet événement évoluer au fil du temps ?
Mon ressenti est qu’il s’est bonifié avec le temps et que l’équipe de bénévoles, très chaleureux et impliqués, qui aident Michèle Fériaud en fait un événement à la fois convivial mais exigeant en termes de contenu artistique. En outre, la confiance que m’accorde Michèle est une vraie reconnaissance de l’évolution de mon tango : c’est elle qui m’a invitée à d’abord proposer un cours d’initiation, puis un cours régulier à Rémalard, et enfin ma première « démo » en public ! Mille mercis à elle !
Qu’est-ce que le festival représente pour vous, tant sur le plan personnel que professionnel ?
C’est un moment de plaisir partagé, de retrouvailles, d’effervescence et de joie ! Un rendez-vous annuel que je ne manquerais pour rien au monde (même avec une fracture du pied comme il y a deux ans) !!!
Comment les autres disciplines que vous exercez influencent-elles votre manière d’enseigner et de danser le tango ?
Le massage est certainement la discipline avec laquelle les points communs sont les plus évidents (plutôt que l’influence) : le toucher bienveillant est omniprésent, le mouvement fluide comme une danse, l’ancrage à la terre indispensable… Mais je vois aussi des influences réciproques avec ma pratique artistique : la puissance des couleurs, des contrastes, la douceur de la caresse du papier… Un des autres points communs est la capacité d’autoguérison induite par ces pratiques, leur aspect indéniablement thérapeutique… Dans toutes mes pratiques, mon intention est de faire du bien au corps et à l’esprit.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite débuter le tango, en particulier dans une région comme le Perche ?
Oser découvrir un nouvel univers ! Surmonter sa peur de ne pas « savoir danser » ! Venir à tous les cours ! Aller à toutes les milongas de la région ! Vivre passionnément !
Quelles stratégies ou exercices utilisez-vous pour aider les danseurs à descendre de la tête vers le corps ?
La respiration me semble un bon début. Tout ce qui permet de libérer le mental, un peu comme la méditation. L’écoute de la musique, en première intention, peut également permettre de lâcher-prise et de vivre la danse à travers le corps, moins intellectuellement.
Comment votre approche, très sensorielle, s’inscrit-elle dans votre philosophie de la danse et de la pédagogie ?
Joker, c’est un sujet de thèse hahahaha
Votre second cours, « Dansez la phrase : conversez avec la musique », évoque une véritable écoute active. Comment amenez-vous les élèves à construire ce dialogue ?
Par des exercices progressifs, basés sur l’écoute de la musique mais aussi du / de la partenaire. L’accent n’est plus mis sur un travail de mémorisation de séquences complexes (qui est tout aussi utile, mais différemment), mais au contraire sur la simplification et l’intériorisation du mouvement.
Comment écoute-t-on autrement dans le tango ?
En écoutant avec son cœur et en laissant les émotions s’emparer de nous, en oubliant le temps et la routine quotidienne, en vivant intensément l’instant présent.
Si le tango était un mot ou une image, ce serait quoi pour vous ?
Le tango est bien trop riche pour être réduit à un seul mot ou une image. En guise de clin d’œil à mon ancienne profession, la traduction, je dirais que le tango est une langue universelle, une sorte d’esperanto naturel ou de lingua franca en mutation constante.
Retrouvez les cours de Gabrielle à Rémalard dès cet automne.