À plusieurs reprises, j’ai eu la chance de danser la milonga à Buenos Aires même. Chaque fois, c’était une expérience à part, vibrante, inoubliable. Alors, si je devais imaginer la milonga idéale, celle qui me fait frissonner rien qu’en y pensant, elle aurait la chaleur des nuits argentines et le charme simple d’un bal populaire.
Dès l’entrée, tout doit inviter à rester. On doit se sentir bien, mieux que bien. On hume l’air qui, déjà, semble saturé de promesses. On tend l’oreille, la musique flotte, enveloppante. On devine, à quelques notes près, que le DJ a l’art de construire des tandas qui vous happent. La lumière est douce, les regards se cherchent. Il y a des lampions suspendus, des petites tables disséminées, un bar animé, et un accès vers l’extérieur, pour respirer entre deux morceaux. On aperçoit des tenues choisies avec soin, si élégantes et différentes chaque soir.
Dans cette milonga idéale, on retrouve des ami.e.s avec lesquell.e.s on a déjà dansé. Mais aussi de nouveaux danseurs, des tanguer@s qu’on admire au premier coup d’œil et qu’on « pistera » entre chaque tanda, dans l’espoir d’être invité.e ou d’oser inviter. On danse aussi avec les plus timides, ceux qu’un regard encourage. La milonga est tout cela : la fête, la tendresse, l’éclat d’une rencontre fugace ou la profondeur d’un abrazo. Et quand l’orchestre entre en scène – avec un bandonéoniste, évidemment, on sait déjà qu’on vivra là une de ces nuits qu’on n’oublie jamais.
Cet espace rêvé, je l’ai trouvé à Rémalard-en-Perche, dans la salle Octave Mirbeau. Tout y est : une belle piste de danse, un parquet lumineux, une scène, une acoustique chaleureuse, un bar vivant, un parquet de danse à l’extérieur pour les tangueros audacieux… Et surtout, une atmosphère. Ici, au cœur de la nature percheronne, Buenos Aires en Perche vous propose une parenthèse : l’occasion rare de vous recentrer sur le corps, les sensations, la rencontre, et la joie simple de danser.
Maintenant, c’est à vous d’écrire votre milonga idéale.
Car je ne suis pas la seule à rêver d’une milonga idéale. Chaque danseur, chaque danseuse porte en soi une idée intime de la milonga rêvée.
Et pour vous inspirer, j’ai demandé à nos maestr@s de l’Édition #6 de partager leur vision de ce moment parfait, celui qui les inspire, les émeut ou les a marqués à jamais.
Michèle Fériaud,
Présidente de Scène d’Influence
La milonga idéale selon Gisela et Rodrigo
Quelle est votre idée d’une milonga idéale ?
La milonga idéale pour nous est une milonga classique qui réunit des installations spécifiques, une certaine population de tango et d’autres éléments immatériels.
Une piste rectangulaire ou carrée bien délimitée, qui ne serait pas excessivement grande, avec des tables tout autour et un bel espace entourant la piste, pour se déplacer confortablement lorsqu’on ne danse pas. Un grand bar, bien fourni, proche de la piste et avec vue sur celle-ci. Des chaises suffisantes, pour pouvoir s’asseoir à une table ou s’accouder au bar.
Une bonne sonorisation enveloppante, un sol adapté aux chaussures de tango. Une bonne aération et une température agréable pour danser. L’éclairage idéal serait plus fort pour les invitations au regard à l’extérieur de la piste, et éventuellement plus tamisé à l’intérieur de la piste. Des vestiaires et garde-robe, pour ne pas laisser traîner les survêtements et autres affaires personnelles. Des toilettes spacieuses avec miroir, permettant de se rafraîchir.
Sur la piste, une belle parité hommes-femmes, un bon niveau de danse de tango social, de la convivialité et un fort esprit de partage. C’est à dire une population « milonguera » qui connaît la danse du bal, aussi bien que ses codes. La tenue, élégante -chacun son style. Concernant la musique : un répertoire classique, les tangos connus.
Quel est votre meilleur souvenir de milonga ?
Nos meilleurs souvenirs sont à Buenos Aires, dans El Club Almagro, où se sont retrouvés tous les grands couples d’antan et les nouvelles générations de milongueros et danseurs professionnels, au cours de soirées à nulles autres pareilles. Et les années de splendeur du club Glorias Argentinas.
La milonga idéale selon Patrice et Irene
Quelle est votre idée d’une milonga idéale ?
Patrice
J’aime bien les lieux étonnants où on ne s’attend pas à voir des gens danser. Ma notion de la milonga idéale fluctue selon mes envies. Ça n’est pas figé. Pendant un temps, en quête de l’abrazo parfait, de l’élégance et de la caminata, nous allions à Buenos Aires au Sunderland, Sin Rumbo, la Baldosa. Puis, plus tard, j’ai adoré découvrir des lieux beaucoup plus informels, moins codifiés, souvent avec des musiciens qui jouent en acoustique à la gorra, dans des petites salles bourrées de monde, des restaurants, ou des appartements, à danser autour des musiciens pour mieux les entendre. J’aime bien aussi mes milongas de quartiers, celles où j’ai mes habitudes.
Irene
Un bal décloisonné, qui démystifie la séparation des maestros du commun des mortels, où les invitations soient simples mais où l’on ait aussi le droit de ne pas souhaiter danser. Un bon équilibre entre le papotage, des tandas choisies et quelques tandas aussi où l’on se laisse surprendre.
Quel est votre meilleur souvenir de milonga ?
Récemment, la soirée de la première d’Æsthetica, qui avait lieu dans le Festival Européen de Tango en Scène, à la Marbrerie, dans une salle de concert. Danser sur la piste, libérés d’une pression énorme, après avoir misé notre peau sur scène, le corps encore électrisé par ces émotions intenses et après avoir été balayés par des applaudissements qui n’en finissaient plus, était juste jouissif. Une milonga pleine de vie, d’énergie. Un moment magique.